Après des mois de quasi-inertie face à une insécurité grandissante et des souffrances populaires intolérables, une offensive coordonnée entre la task force de la Primature et la Police Nationale d’Haïti (PNH) a finalement eu lieu hier. Cette action, saluée par de nombreux citoyens, soulève néanmoins de sérieuses questions quant au timing et aux motivations réelles derrière cette soudaine impulsion.
Depuis des mois, les colonnes de Monopole n’ont cessé de dénoncer l’attentisme de la Primature, qui semblait attendre la “montée en selle” de Laurent Saint-Cyr, issu d’une frange spécifique du secteur privé, pour lancer une véritable riposte contre les groupes armés.
Nos articles précédents avaient même évoqué un plan prévoyant des attaques majeures seulement trois jours avant l’arrivée de cette faction au pouvoir. Cependant, une rencontre récente avec le Secrétaire d’État adjoint des États-Unis semble avoir précipité les événements, forçant, pour le plus grand soulagement des Haïtiens, une accélération des opérations.
Des équipements disponibles et absence de volonté
Le constat est frappant : la Primature disposait depuis des mois de tous les équipements nécessaires pour endiguer l’insécurité. Pourtant, ces ressources sont restées inexploitées, exposant le gouvernement au risque d’être “cloué au pilori pour non-assistance à personne en danger.” jeudi, l’attaque coordonnée sur Kenscoff, que la population réclamait à cor et à cri, a été d’une “envergure sans précédent” selon Jean Wilner Joseph, un notable de Kenscoff généralement très critique envers la PNH, et d’autres habitants de la zone.
Elle a abouti à une défaite cinglante des bandits et à la récupération de plusieurs zones précédemment sous leur contrôle. Cependant, nos reporters sur place ont noté qu’il n’y a pas eu de consolidation avec l’armée d’Haïti pour occuper les zones reprises.
La question persiste : Pourquoi ces équipements, disponibles depuis des mois, n’ont-ils jamais été mis en service plus tôt ? Pourquoi un tel cynisme envers nos concitoyens, livrés à la merci des gangs pendant si longtemps ?
Nos précédentes enquêtes avaient également mis en lumière les conflits internes entre le commandement de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et la Primature, des dissensions qui auraient pu être à l’origine de l’incapacité à prévenir, ou tout au moins à récupérer, les villes de Mirebalais et de Saut-d’Eau. Ces querelles seraient justifiées par le besoin de faire valoir les intérêts de ce segment du secteur privé.
L’arrestation récente d’un membre de ce secteur semble avoir modifié les stratégies de cette faction, démontrant que personne n’est au-dessus de la loi et que personne n’est exempt de potentielles interpellations. Si certains diront “mieux vaut tard que jamais,” que penseront les familles des victimes, celles et ceux qui continuent de se battre et de mourir chaque jour ? Leur douleur et leur sacrifice ne peuvent être ignorés au nom d’un calcul politique. Ce cynisme, pensent certains, est criminel.
Des sources bien informées à Washington avaient clairement indiqué aux correspondants de Monopole que lors de la réunion entre le Premier Ministre Fils-Aimé et le sous-secrétaire d’État américain, un ordre formel avait été donné de rétablir la sécurité dans le pays en moins de trois semaines. Ce délai coïncide étrangement avec le temps que se donne la Primature, selon nos informations, pour sécuriser la zone métropolitaine. Plus troublant encore, ce calendrier correspond précisément au moment où l’alignement de cette “fameuse frange du secteur privé” à la tête du pays est censé être finalisé.
Il est impératif qu’Haïti et la vie de ses citoyens, ainsi que celle de nos policiers, soient la priorité absolue. L’augmentation du capital politique d’un secteur particulier ne saurait justifier le sacrifice de vies innocentes. L’heure n’est plus aux manœuvres politiciennes, mais à une action résolue et désintéressée pour garantir la sécurité et la paix que le peuple haïtien mérite.
DSB/Monopole