Quatre ans après la prise de Martissant par des gangs armés, Haïti fait face à une situation sécuritaire catastrophique. Dans un rapport publié le 1er juin 2025, le Centre d’analyse et de recherche en droits humains (CARDH) dresse un état des lieux alarmant : les gangs contrôlent désormais une large partie du territoire national, menaçant la stabilité du pays.
Tout a commencé le 1er juin 2021, avec l’attaque de Martissant, une zone stratégique de la capitale. Depuis, les gangs ont étendu leur emprise, principalement dans le département de l’Ouest. Le 20 mars 2023, l’État haïtien a officiellement reconnu l’existence de 28 « territoires perdus », dont 25 situés dans l’Ouest.
Un bilan humain et institutionnel désastreux
Selon le rapport du CARDH, 1 064 935 personnes déplacées à l’intérieur du pays, 4 716 personnes assassinées, dont 136 policiers, 3 363 enlèvements recensés, 724 institutions, publiques et privées, fermées, délocalisées ou détruites. L’organisation dénonce l’inaction répétée des autorités, voire leur complicité, comme principale cause de cette crise.
Le 3 mai 2025, les États-Unis ont classé deux des principaux groupes armés haïtiens (Viv Ansanm et Gran Grif) comme organisations terroristes internationales. Le CARDH salue cette décision, mais souligne qu’elle ne sera efficace que si elle s’accompagne de mesures concrètes et durables, tant sur le plan sécuritaire que social. Par ailleurs, une révélation du New York Times (28 mai 2025) a suscité la polémique : le gouvernement haïtien envisagerait de recourir à Academy (ex-Blackwater), une firme de sécurité privée américaine impliquée dans des exactions en Irak. Le CARDH exige que toute aide extérieure respecte strictement les droits humains, soit soumise à un contrôle indépendant, et appuie les forces nationales plutôt que de les remplacer.
Les recommandations du CARDH
Pour sortir de la crise, le rapport avance plusieurs pistes, par exemple un cadre légal spécial pour la sécurité, adapté à la situation actuelle, la création d’une unité anti-terroriste et anti-gangs bien formée et équipée, le renforcement des effectifs de la police et de l’armée, la levée de l’embargo sur les armes (en place depuis 1991), le soutien logistique (aérien, maritime, terrestre) aux forces de sécurité, la construction d’une prison de haute sécurité, la mise en d’un programme de réinsertion pour les jeunes enrôlés par les gangs. Le CARDH dit encourager les redditions volontaires avec un appel à déposer les armes et aussi et surtout la mise en place d’un Task force judiciaire spécialisée pour juger rapidement les crimes liés aux gangs.
Face à l’urgence, le CARDH appelle à une action coordonnée, transparente et respectueuse des droits humains, pour éviter qu’Haïti ne sombre davantage dans le chaos.
La rédaction