Alors que Haïti s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos orchestré par des gangs armés, une nouvelle demande émerge du pays voisin. Le président dominicain, Luis Abinader, connu pour sa position ferme sur la sécurité régionale, a récemment adressé une lettre aux instances internationales, plaidant pour la conversion de l’actuelle Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), menée par le Kenya, en une mission hybride des Nations Unies. Cette proposition, si elle est acceptée, pourrait redéfinir l’engagement international en Haïti et offrir une voie potentiellement plus solide pour sortir le pays de l’abîme.
Depuis des mois, la MMSS, autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies mais sans être une mission de maintien de la paix de l’ONU à part entière, est enlisée dans des retards. Les promesses de déploiement des troupes kenyanes se sont heurtées à des obstacles logistiques, financiers et légaux, laissant les haïtiens livrés à eux-mêmes face à la terreur des gangs qui contrôlent désormais la majeure partie de la capitale et des voies d’accès essentielles. La frustration tant nationale qu’internationale est palpable, et l’appel d’Abinader résonne comme une tentative de débloquer une situation critique, qu’il n’en soit que le porteur ou l’instigateur.
Qu’est-ce qu’une “mission hybride” et pourquoi maintenant ?
Le concept de mission hybride n’est pas nouveau pour les Nations Unies. Il s’agit d’une opération de maintien de la paix où l’ONU collabore étroitement avec une autre organisation régionale ou un État membre majeur, partageant les responsabilités, les ressources et souvent même le commandement. L’exemple le plus connu fut la MINUAD au Darfour, une opération conjointe entre l’Union africaine et les Nations Unies.
En Haïti, transformer la mission kenyane en une structure hybride signifierait concrètement un financement plus robuste et prévisible. Les opérations de maintien de la paix de l’ONU bénéficient d’un budget régulier et de contributions de ses États membres. Cela pourrait résoudre les problèmes de financement qui ont entravé le déploiement de la MMSS.
Cela demanderait également une expertise et des ressources logistiques accrues. L’appareil massif de l’ONU, avec son expérience inégalée en matière de planification et de déploiement de forces dans des environnements complexes, pourrait apporter un soutien qlogistique, technique et en personnel indispensable.
Ce type d’intervention requiert une légitimité internationale renforcée. Un mandat direct du Conseil de sécurité de l’ONU pour une mission hybride donnerait une base juridique et politique plus solide à l’intervention, potentiellement facilitant la participation d’autres pays hésitants.
Aussi et surtout une meilleure reddition de comptes. Les mécanismes de supervision de l’ONU en matière de droits humains et de conduite des troupes seraient directement applicables, répondant aux préoccupations soulevées par certaines organisations.
La demande du président Abinader n’est pas anodine. Elle s’aligne dans une certaine mesure sur la position du secrétaire d’état Rubio qui voudrait passer le flambeau à l’OEA, elle reflète en outre une prise de conscience que l’approche actuelle, celle d’une mission multinationale certes approuvée par l’ONU mais n’ayant pas le statut de “casques bleus”, a ses limites. Les défis en Haïti sont d’une telle ampleur qu’ils nécessitent une mobilisation de ressources et d’expertises que seule une institution comme l’ONU peut véritablement apporter.
Les défis d’une telle transition
Cependant, la transition vers une mission hybride ne serait pas sans embûches. Elle nécessiterait des négociations intenses au sein du Conseil de sécurité, où des divergences d’opinions pourraient émerger quant à la nature et à l’étendue de l’implication de l’ONU. Le Kenya, en tant que leader actuel de la MMSS, devrait également s’accorder sur les termes de cette nouvelle architecture, s’il n’en est pas extirpé, vu que le souhait de l’administration américaine à travers Marco Rubio dans sa déclaration du 20 mai 2025 était que l’OEA joue un rôle prépondérant dans la crise haïtienne tout en plaidant pour une solution régionale. Enfin, le processus lui-même prendrait du temps, un luxe que Haïti ne peut plus se permettre.
Malgré ces défis, l’appel du président dominicain est une proposition audacieuse qui mérite une attention sérieuse. Alors que la communauté internationale cherche désespérément une solution à la crise haïtienne, l’idée d’une mission hybride pourrait être le chaînon manquant pour transformer l’intention en une action efficace et durable, tirant Haïti de l’impasse sécuritaire et ouvrant la voie à une stabilité tant attendue. L’urgence est absolue, et la balle est désormais dans le camp des Nations Unies.
DSB/Monopole