Depuis plus d’un mois, Rosemila Petit-Frère, Présidente Directrice Générale de Radio Télé Monopole et ancienne mairesse de l’Arcahaie, est détenue à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Sa garde à vue prolongée s’effectue dans des conditions opaques, sans qu’aucun dossier judiciaire n’ait été officiellement présenté. Malgré son état de santé fragile, qui a nécessité une hospitalisation sur ordre du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, aucune décision judiciaire concrète n’a été prise.
Le vendredi 5 septembre, ses avocats ont plaidé en habeas corpus devant le doyen du tribunal de Port-au-Prince, Bernard Saint-Vil. Pourtant, l’ancienne mairesse reste détenue, dans un silence incompréhensible de la part des autorités judiciaires.
Un dossier invisible
Son avocat, Me Mario Delcy, est catégorique : « Si le dossier de Rosemila existe, qu’on le rende public pour que je puisse préparer la défense de ma cliente ». Jusqu’à présent, ni la DCPJ, ni le parquet n’ont présenté de preuves ou de documents justifiant sa détention.
Des organisations féministes et de défense des droits humains dénoncent une détention arbitraire, qui pourrait être motivée par des pressions politiques. Rosemila Petit-Frère, connue pour son militantisme et son engagement en faveur de l’émancipation des femmes, a dirigé la Fédération des Femmes Maires d’Haïti et formé des centaines de jeunes leaders dans les zones reculées du pays.
Le miroir brisé de la justice haïtienne
Cette affaire illustre un problème plus large : l’effondrement du système judiciaire haïtien avec actuellement un docteur au Ministère de la justice. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, la justice fonctionne au ralenti, paralysée par la corruption, l’insécurité et les ingérences politiques. Plus de 80 % des détenus en Haïti sont en détention préventive prolongée, parfois pendant des années, sans procès ni chef d’accusation clair. Les tribunaux peinent à siéger régulièrement : grèves des greffiers, menaces des gangs et absence de moyens paralysent le système. La Cour de cassation fonctionne avec un effectif réduit, faute de nomination de juges.
Dans ce contexte, le cas de Rosemila Petit-Frère n’est pas isolé : il reflète un État de droit moribond, où la justice devient instrument de règlement de comptes et où la présomption d’innocence est bafouée.
Silence complice et inquiétude de la famille
Ce qui choque davantage, c’est le silence des grandes organisations de défense des droits humains, habituellement promptes à réagir. Pourquoi ce mutisme face à la détention arbitraire d’une femme figure politique publique et militante ?
Pour beaucoup, la réponse réside dans la politisation extrême du système : la justice haïtienne apparaît comme un outil aux mains de certains secteurs influents, au détriment de l’équité et de la transparence.
Après la plaidoirie de Me Delcy, le doyen Saint-Vil a transmis son ordonnance au Commissaire du Gouvernement. Celui-ci doit la signer, puis la notifier à la DCPJ pour obtenir la libération de l’ancienne mairesse. Mais les jours passent et rien ne bouge.
La question demeure : pourquoi cette procédure simple n’est-elle pas exécutée ? Quels intérêts cachés se dressent contre la libération de Rosemila Petit-Frère ?
L’affaire Rosemila Petit-Frère est plus qu’un cas individuel : elle symbolise la faillite d’un système judiciaire incapable de protéger les droits fondamentaux des citoyens. Tant que l’arbitraire primera sur la justice, tant que la loi sera instrumentalisée, Haïti restera une démocratie fragile, à la merci des plus forts.
La libération de Rosemila n’est pas seulement une exigence juridique : c’est une question de principe, un test pour savoir si l’État de droit existe encore en Haïti.
La rédaction / Monopole










