Le bilan est lourd et le cœur aussi. Trente vies emportées, des régions entières réduites à l’état de ruines, et plus de 15 000 familles plongées dans la désolation et le dénuement. L’ouragan Melissa qui a frappé la Caraïbe, laisse un lourd bilan. La Jamaïque, pourtant directement sur la trajectoire du cyclone, déplore 20 morts avec des dégâts matériels considérables. Mais la comparaison est accablante avec notre pays.
On ne parle pas de chance quand il s’agit de gouvernance. La situation apocalyptique que traverse Haïti n’est pas une malchance, c’est le résultat amer de vingt-cinq années d’inconséquence, de marchandage politique et de corruption institutionnalisée. C’est l’aboutissement logique d’une irresponsabilité persistante de dirigeants insouciants.
La population haïtienne, elle, est en première ligne. Les images atroces de maisons emportées dans le lit de rivières en furie, à Petit-Goâve, crient l’ampleur de notre vulnérabilité. Elles révèlent aussi un laisser-faire mortifère, où des familles sont abandonnées à vivre dans des zones à haut risque. Où est donc passé le sens du service public ?
Face à ce drame, la compassion ne suffit plus. Il est urgent de fixer les responsabilités. Certes, l’autorité de l’État est mise à mal par l’insécurité provoquée par les gangs armés, entravant l’action des maires. Mais cette fragilité n’explique pas tout. On assiste, impuissant, à une dérive inquiétante : la transformation de la gestion publique en une chasse aux projets.
Toute action, même la plus élémentaire comme le ramassage des ordures, doit désormais se parer d’un “projet” et quémander des financements étrangers. Pendant ce temps, les taxes et impôts des citoyens, censés financer ces services vitaux, semblent se perdre dans les détours d’une administration obèse et dépensière.
Et que dire du Ministère de l’Environnement, créé en 1995 pour protéger le pays et sa population ? Nous regorgeons d’experts, mais les résultats sont désespérément absents. On s’y plaint d’un manque de budget, tandis que des fonds internationaux existent. L’initiative et la proactivité semblent avoir été sacrifiées sur l’autel de la routine.
Alors, à qui la faute ? Les doigts accusateurs se tournent vers un système tout entier. La faute est à cette culture de la passivité qui attend les solutions de l’extérieur. La faute est à cette gabegie qui dilapide l’argent public en dépenses superflues plutôt que de le consacrer à la protection des vies.
La faute est à cette déliquescence qui a transformé l’État, conçu pour servir de rempart, en une coquille vide. Les 30 morts de cette tragédie ne sont pas seulement les victimes d’un ouragan ; ils sont les martyrs d’un État en faillite. Il faut revoir les plans et les priorités, il faut accorder plus de place au respect de la personne et des concitoyens. Il est impératif de prendre des décisions maintenant même si elles ne sont pas populaires.
Nous avons perdu des milliers de vies le 12 Janvier 2010, d’autres durant le Choléra, un peu plus loin lors du tremblement de terre d’Aout 2021 ; des bateaux ont fait naufrage avec des pertes importantes en vies humaines. Tout cela n’a pas servi d’exemples pour mieux planifier et administrer nos villes. Helas !
Eddy Trofort














