Le 19 avril 2025, Haïti a vibré au son du Rara, cette tradition musicale et spirituelle qui, chaque année, transforme les rues du pays en scènes vivantes de culture populaire. De Gonaïves à Paillant, en passant par les zones plus tendues comme Léogâne, la saison du Rara a une fois de plus illustré la force du patrimoine immatériel haïtien, entre résilience, créativité et mémoire collective.
Gonaïves : Une marée de sons et de couleurs
Dans la ville des Gonaïves, les festivités de pré-Pâques ont été lancées avec éclat. Des centaines de participants et curieux se sont rassemblés pour assister aux performances de groupes rara venus des quartiers environnants. Tambours, vaksin, cornes et maracas ont résonné dans une ambiance euphorique. Les danseurs costumés ont animé les rues, offrant un spectacle aussi coloré qu’énergique, célébrant l’âme du peuple haïtien.
Léogâne : Silence culturel face aux tensions
Mais à Léogâne, bastion historique du Rara, le silence a remplacé les chants et les percussions. Les autorités locales ont pris la décision difficile d’interdire toutes les activités de Rara, en raison des risques sécuritaires liés à la présence du gang “Viv Ansanm” dans la commune voisine de Gressier. Une situation qui soulève de nombreuses inquiétudes sur l’avenir de cette tradition dans les zones à risque, et sur la liberté culturelle face aux violences armées.
Paillant : Une édition marquante et rassembleuse
Pendant ce temps, à Paillant dans le département des Nippes, la 29e édition du Festival de Rara a tenu ses promesses. Sur fond de musique traditionnelle et de danses ancestrales, l’événement a attiré non seulement des groupes locaux, mais aussi des visiteurs venus d’autres régions. Le festival a permis de valoriser les savoir-faire artisanaux, les costumes traditionnels et l’hospitalité locale, tout en servant de plateforme de promotion touristique et culturelle pour la commune.
Le Rara : Vers une reconnaissance mondiale
Au-delà des célébrations locales, le Rara haïtien attire l’attention internationale. Déjà reconnu par l’UNESCO comme une tradition nécessitant une sauvegarde urgente, il fait désormais l’objet d’initiatives pour être inscrit sur la Liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. Cette reconnaissance pourrait renforcer les efforts de préservation, de formation des jeunes, et de transmission intergénérationnelle de cette pratique unique au monde.
Le Rara 2025 a confirmé, une fois de plus, que cette tradition n’est pas qu’un simple divertissement : mais aussi et surtout un rituel communautaire, un cri d’identité, une pulsation vivante du peuple haïtien. Malgré les menaces, les déplacements, les silences imposés, il continue de faire battre le cœur d’Haïti.
La sauvegarde du Rara, c’est aussi la préservation de la mémoire collective, de la liberté d’expression populaire et de la capacité du pays à transformer douleur et résistance en art et en fête.
Holwith DESGRANGES aka K-MIKE
Animateur /Journaliste Culturel
