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L’éducation en otage: Le silence assourdissant de l’État haïtien face au calvaire des élèves

Crédit photo: Des élèves dans les rues dans une atmosphère de violence

L’éducation en otage: Le silence assourdissant de l’État haïtien face au calvaire des élèves

Crédit photo: Des élèves dans les rues dans une atmosphère de violence

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Alors que le calendrier scolaire haïtien approche de son terme, avec les examens du baccalauréat et de la neuvième année fondamentale à l’horizon, une question lancinante résonne dans les ruelles dévastées de Port-au-Prince, Mirebalais, Gressier, de Cabaret, de Saut-d ’Eau et de toutes les localités tombées sous le joug des groupes armés : que compte faire l’État central, par l’intermédiaire de son Ministère de l’Éducation Nationale, pour les milliers d’élèves pris en otage par cette violence généralisée ? Le silence assourdissant des autorités est une insulte à la dignité et à l’avenir de toute une génération.

 

La situation délétère qui gangrène la capitale et ses environs a plongé des familles entières dans un désarroi indescriptible. Des quartiers autrefois vibrants, comme Carrefour-Feuilles, ont été vidés de leurs habitants, contraints à l’exode interne. Des écoles ont été transformées en refuges de fortune ou, pire encore, en cibles pour les affrontements armés.

 

Comment peut-on décemment envisager des examens nationaux lorsque des milliers d’enfants ont été arrachés à leurs salles de classe, privés de manuels, de professeurs, et surtout, de la stabilité nécessaire à tout apprentissage ? Des parents, déjà accablés par la précarité, ont consenti des sacrifices inouïs pour payer les frais de scolarité de leurs enfants, pour les voir ensuite déracinés à seulement trois mois de la fin de l’année scolaire, victimes collatérales de l’inaction criante d’une structure étatique qui a failli à sa mission première : assurer la sécurité de ses citoyens.

 

L’indécence atteint son paroxysme lorsque l’on observe l’État central procéder aux décaissements d’usage et prendre toutes les dispositions logistiques pour les examens finaux, comme si de rien n’était, comme si tous les élèves allaient y participer dans des conditions normales. Cette attitude est non seulement un affront à la souffrance des familles déplacées, mais elle révèle une déconnexion abyssale entre les dirigeants et la réalité tragique vécue par le peuple. N’y aura-t-il aucune considération, aucune mesure spécifique pour ces élèves de Carrefour-Feuilles, de Mirebalais, de Gressier, et de tant d’autres zones martyrisées, victimes directes de l’irresponsabilité et de la passivité de l’État ?

 

Un État responsable, soucieux de l’avenir de sa jeunesse, se serait déjà prononcé sur le cas de ces élèves. Il aurait mis en place des mécanismes d’accompagnement psychologique, des programmes de rattrapage scolaire d’urgence, des centres d’examens délocalisés et sécurisés, ou même envisagé des aménagements exceptionnels pour ceux qui ont tout perdu. Au lieu de cela, le gouvernement haïtien semble naviguer à vue, indifférent aux cris de détresse de sa population, préférant la voie de la normalité illusoire plutôt que d’affronter la dure réalité.

 

Cette crise éducative, conséquence directe de l’effondrement sécuritaire, est un miroir de la défaillance totale de l’État. Elle interpelle non seulement le Ministère de l’Éducation Nationale, mais l’ensemble de la structure gouvernementale sur sa capacité à protéger et à servir ses citoyens.

 

L’avenir d’Haïti repose sur l’éducation de sa jeunesse ; en abandonnant ces élèves à leur sort, l’État ne fait qu’hypothéquer davantage un futur déjà incertain. Il est temps que les autorités sortent de leur mutisme coupable et prennent des mesures concrètes et humaines pour ces enfants dont le seul crime est d’être nés dans un pays où l’État a abdiqué ses responsabilités fondamentales.

 

La rédaction