Le 17 octobre 2025, le peuple haïtien commémorera le 219e anniversaire de la mort de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la nation et premier chef d’État d’Haïti indépendante sous le titre d’Empereur Jacques Ier. Tombé au Pont-Rouge le 17 octobre 1806 à 48 ans, Dessalines demeure une figure centrale de l’histoire nationale, symbole d’une lutte sans compromis pour la liberté et la souveraineté.
Né à la Grande-Rivière-du-Nord, Dessalines fut d’abord esclave avant d’être affranchi en 1794. Ancien lieutenant de Toussaint Louverture, il s’illustra comme stratège militaire et chef déterminé. Après avoir combattu aux côtés des Français, il se révolta contre eux face à la persistance de pratiques esclavagistes, malgré les idéaux proclamés de la Révolution française de 1789.
L’arrivée en 1802 du général Charles Victoire Emmanuel Leclerc, beau-frère de Napoléon Bonaparte, marqua un tournant. Dessalines opposa à cette expédition une diplomatie guerrière redoutable. À la tête d’une armée populaire, il mit en déroute les troupes françaises lors de la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803. Cette victoire ouvrit la voie à la proclamation de l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, première république noire du monde moderne.
Après la victoire, Dessalines se heurta à de profondes tensions internes. Les généraux de l’armée indigène, désireux de s’enrichir par la possession des terres, s’opposèrent à sa politique de justice sociale. L’élite économique issue de l’ancienne colonie, quant à elle, tenta de maintenir ses privilèges, voire de renouer avec le modèle esclavagiste sous de nouvelles formes.
Dessalines, conscient du danger, chercha à instaurer un État fort et centralisé, capable de protéger les acquis de l’indépendance et de défendre les plus vulnérables. Mais cette volonté d’autorité et de contrôle fut interprétée par ses adversaires comme une dérive autoritaire. Le 17 octobre 1806, il fut assassiné au Pont-Rouge, victime d’un complot mêlant intérêts militaires, économiques et politiques.
Au-delà du chef militaire, Dessalines portait une vision profondément politique et sociale. Son idéal dessalinien reposait sur trois piliers : L’unité nationale, transcendant les divisions de couleur, de classe et de territoire ; la souveraineté absolue, refusant toute domination étrangère, qu’elle soit militaire, économique ou culturelle. Et la justice sociale, plaçant l’homme haïtien au cœur du développement, dans le respect de sa dignité et de son travail.
Dans le Décret impérial de 1805, Dessalines affirmait que « tous les Haïtiens seront désormais connus sous le nom de Noirs », non comme une exclusion, mais comme une affirmation d’égalité et d’identité collective. Son rêve n’était pas seulement d’obtenir la liberté, mais de la conserver par la discipline, l’unité et la production nationale.
Le réveil dessalinien aujourd’hui
Deux siècles plus tard, l’idéal de Dessalines demeure une référence incontournable pour repenser la trajectoire du pays. Son message invite à un réveil collectif, fondé sur la responsabilité, la solidarité et la fierté nationale. Dans un contexte de crises multiples, politiques, économiques, sociales et environnementales, le retour à la pensée dessalinienne n’est pas un simple hommage historique, mais une obligation morale et civique.
Réaffirmer le rêve de Dessalines, c’est promouvoir une économie de production et de partage, au service du bien commun ; défendre la souveraineté nationale face aux ingérences extérieures ; renforcer la cohésion sociale par l’éducation, la mémoire et la justice et surtout, raviver le sens du devoir patriotique que Dessalines incarnait avec rigueur et courage.
Le 17 octobre ne doit pas seulement commémorer une mort tragique, mais aussi rappeler une exigence : celle de poursuivre le combat pour une Haïti libre, souveraine et solidaire.
Dessalines n’a pas seulement libéré un territoire ; il a voulu fonder une nation digne et fière. Son héritage, 219 ans plus tard, appelle à une renaissance dessalinienne : celle d’un peuple conscient de sa valeur, maître de son destin et fidèle à la promesse de 1804.
Eddy Trofort














