Comme le disait Charles de Gaulle, figure emblématique de la politique française, résistant et fondateur de la Cinquième République : « Un politicien ne croit jamais ce qu’il dit ; il est étonné quand il est cru sur parole. » Cette phrase, empreinte d’ironie et de lucidité, exprime la conscience qu’avait de Gaulle de l’écart souvent flagrant entre le discours politique conçu
pour séduire, convaincre ou manipuler et la réalité des intentions ou des actes. De plus, elle reflète un subtil mélange de réalisme et de cynisme : l’idée qu’un politicien, même dans ses promesses les plus flamboyantes, peut être peu sincère, et qu’il en soit lui-même surpris lorsqu’on le prend au mot.
Cette citation trouve un écho particulier dans la déclaration récente de notre ancien Premier ministre : « Nous allons reprendre les territoires des gangs, maison par maison, quartier par quartier. » Ces mots, chargés d’espoir et de détermination, résonnent à chaque annonce comme une promesse que l’on veut croire malgré tout. Mais une voix intérieure, empreinte de scepticisme, nous rappelle amèrement : « Mensonge, mensonge ! » Car cette fois encore, la réalité nous a pris de court. C’est l’inverse qui se produit sous nos yeux : les gangs avancent inexorablement, maison par maison, quartier par quartier.
Notre Premier ministre actuel, quant à lui, persiste dans le même registre, distribuant des promesses à haute cadence, avec une vigueur qui trahit peut-être son ignorance de ce qui l’attend. Nos dirigeants pèchent par ignorance, excès de zèle, manque de préparation et d’anticipation. Et lorsque la réalité les rattrape, ils se retranchent derrière de maladroites explications, avouant avoir sous-estimé l’ampleur de la situation, comme si la surprise les frappait avec la violence d’une gifle.
Pourtant, mentir n’est pas, en soi, une nouveauté en politique. Machiavel, penseur italien du XVIe siècle, expliquait dans Le Prince que les dirigeants doivent parfois renoncer à leurs promesses si leur respect met en péril le pouvoir ou l’intérêt de l’État. Pour lui, l’efficacité et la survie du pouvoir priment sur la fidélité aux engagements moraux. Mais chez nous, ce précepte semble appliqué avec une constance déconcertante : mentir devient une nécessité, une règle tacite du jeu politique.
Ce qui rend la situation encore plus tragique, c’est que le mensonge semble désormais toucher tous les acteurs, même ceux en dehors de la sphère politique. L’exemple du porte-parole adjoint de la Police nationale d’Haïti en témoigne, lorsqu’il a affirmé, sans ciller, que la police est présente à Solino et que la population n’a quitté le quartier que de son plein gré. La vérité se distord, les illusions s’empilent, et l’on peine à discerner le vrai du faux. Pourtant, le peuple continue de croire, de nourrir l’espoir. Malgré tout, il préserve en lui cette image de l’État, force censée détenir le monopole de la violence légitime, qui devrait
protéger, diriger et pourvoir. Le véritable chaos se produira lorsque cette image s’effondrera complètement.
Ceux qui nous dirigent n’ont pas froid aux yeux et nous mentent sans une once de gêne ou de
honte.
Force à vous, mes chers Haïtiens.