Les célébrations du 222e anniversaire du drapeau haïtien se sont déroulées dimanche sous fonds de contestations populaires dans la ville du Cap-Haïtien. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dirigé par Fritz Alphonse Jean, a été chahuté par des manifestants en colère. Ils ont fustigé ce qu’ils considèrent comme un gaspillage scandaleux de fonds publics. Des célébrations organisées dans un contexte d’insécurité rampante, des rues de la ville toujours plongées dans l’insalubrité et l’absence de services de base pour la population.
Les protestataires n’ont pas arrêté de lancer des propos hostiles à l’endroit du Président du CPT, originaire du Nord. Visiblement irrité par les interruptions constantes, Fritz Alphonse a lancé :“Nou kon kiyès ki mete zam nan men bandi yo” (“Nous savons qui a armé les bandits”). Cette déclaration, perçue comme une allusion à des acteurs étrangers, a jeté de l’huile sur le feu.
Si plusieurs membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ont fait le déplacement dans le Nord, d’autres ont préféré s’abstenir. L’absence des Conseillers-Présidents Leslie Voltaire et Laurent St Cyr et Dr Louis Gérald Gilles, Représentants respectifs de Fanmi Lavalas, du secteur privé au sein du CPT et de l’Accord du 21 décembre, n’est pas passée inaperçue.
Dans une déclaration rendue publique autour de la célébration du 18 mai, M. St Cyr a expliqué son absence en termes : « Dans le contexte actuel marqué par une crise sécuritaire aigue et les souffrances profondes de nos frères et sœurs, appelle à la sobriété, à la responsabilité et à l’action déterminée pour la sauvegarde de notre nation. C’est dans cet esprit que j’ai pris la décision de ne pas participer aux festivités officielles du 18 mai au Cap-Haïtien ».
Le CPT est divisé sans aucun doute après l’abstention de ces Conseillers de participer aux festivités dans le Nord. Toutefois, cela n’a pas empêché la tenue de ces activités. Les diplomates n’ont pas fait le déplacement, jugeant trop risqué un tel voyage qui annonçait déjà les couleurs.
Dr Louis Gérald Gilles a célébré la date du 18 mai dans la Grand’Anse du Pays, précisément à Jérémie sa ville natale. Dans un communiqué daté du 18 mai, on pouvait lire : « À l’occasion du 222e anniversaire de la création du Bicolore haïtien, le Conseiller Président Dr Louis Gérald Gilles a commémoré cette date hautement symbolique dans le département de la Grand’Anse. Lors de cette cérémonie empreinte de recueillement et de fierté nationale, le Conseiller Président a salué la mémoire des héros de l’indépendance, en particulier ceux originaires du Sud, bastion historique de la lutte pour l’émancipation du peuple haïtien. Il a rappelé que le drapeau national n’est pas un simple emblème, mais le reflet vivant du combat de nos aïeux pour la liberté, la justice et la souveraineté ». Dr Gilles à sa sortie a été chahuté par la foule le traitant de « braqueur ».
Dans le Nord, Fritz Alphonse Jean a réaffirmé sa détermination à sortir Haïti du chaos, dénonçant une ‘’force criminelle transnationale’’ qui plonge le pays dans l’instabilité. « Nous sommes en guerre contre ceux, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui veulent faire d’Haïti un narco-État », a-t-il déclaré, promettant que « la bonne nouvelle arrivera bientôt ». Fritz Alphonse a aussi indiqué que 40 millions de gourdes ont été décaissées pour des travaux d’assainissement notamment le dragage de la zone du Littoral de la ville.
La colère populaire s’est manifestée en apprenant le déblocage de ce montant alors qu’à la veille de la célébration, des piles d’immondices jonchaient les rues de la deuxième ville du pays. Des pancartes placées visiblement autour de ces immondices portaient l’écriteau « 400 millions de gourdes ».
Pour les manifestants regroupés autour de la place, les promesses de ce CPT n’atterrissent jamais. « Depuis plus d’un an, ils nous font des promesses sans rien réaliser », a lancé un jeune homme avec son drapeau autour du cou. Les protestataires ont exprimé leur frustration face à l’écart entre les promesses et la réalité, notamment dans les zones en proie à la violence. Mgr Launay Saturné, archevêque du Cap-Haïtien, a lui-aussi déploré l’insécurité grandissante et l’exode forcé de plus d’un million de personnes dans la Capitale haïtienne dans son homélie. Le religieux a expliqué que les festivités ont eu lieu au Cap-Haïtien en raison de la ville de l’Arcahaie qui se trouve aujourd’hui sous l’emprise des bandits ainsi que la Capitale.
La Police du Nord avait de grandes difficultés à contenir les protestataires qui criaient « Allez à l’Arcahaie, Justice pour les déplacés de Port-au-Prince ». Les promesses du CPT seront-elles suffisantes pour rétablir la confiance ?
La rédaction