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Haïti : Un plan d’action ambitieux, mais des questions cruciales sur l’aide humanitaire et la faiblesse du pilier sécuritaire

Crédit photo: Le Secrétaire Général de l'OEA Albert Ramdin

Haïti : Un plan d’action ambitieux, mais des questions cruciales sur l’aide humanitaire et la faiblesse du pilier sécuritaire

Crédit photo: Le Secrétaire Général de l'OEA Albert Ramdin

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Alors que le Secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA), Albert Ramdin, lançait aujourd’hui la première réunion du Groupe des amis d’Haïti, un plan d’action consolidé de plus de 1,3 milliard de dollars se dessine pour tenter de stabiliser le pays caribéen. Ce plan, articulé autour de cinq piliers stratégiques, vise à apporter une réponse coordonnée aux défis sécuritaires, humanitaires, politiques et de développement.

 

Cependant, l’allocation budgétaire proposée, notamment le montant colossal destiné à la réponse humanitaire et la somme étonnamment faible allouée à la sécurité, soulèvent d’importantes interrogations quant à la pertinence, la transparence et l’efficacité de l’aide internationale face à la réalité du terrain.

 

Le Secrétaire général Ramdin a souligné l’importance d’une “stratégie claire et unifiée” pour Haïti, qui favorise “l’appropriation nationale” et “produise des résultats concrets”. La feuille de route, élaborée en réponse à la résolution 3039 de l’Assemblée générale de l’OEA, se décompose comme suit :

Pilier 1 : Stabilisation sécuritaire et restauration de la paix – 96,0 millions USD
Pilier 2 : Consensus politique et support à la gouvernance– 5,1 millions USD
Pilier 3 : Processus électoral et légitimité institutionnelle– 104,1 millions USD
Pilier 4 : Réponse humanitaire – 908,2 millions USD
Pilier 5 : Développement durable et progrès économique– 256,1 millions USD

La donnexion du pilier sécuritaire : Trop peu pour une urgence écrasante

C’est la somme allouée au ”Pilier 1, la Stabilisation sécuritaire et restauration de la paix, qui s’élève à seulement 96 millions USD”, qui interpelle le plus. Cette allocation semble déconnectée de la réalité brutale sur le terrain où, selon les rapports, les groupes armés contrôlent désormais près de 90% de la capitale, Port-au-Prince. Face à une telle emprise criminelle, le montant prévu pour la sécurité paraît dérisoire.

À titre de comparaison, l’enveloppe reclamée par le Kenya pour la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS) était d’environ 600 millions USD pour une seule année. Montant qui a ete réduit a 237 millions de dollars selon une agence de presse africaine.

Comment 96 millions USD pourront-ils suffire à “stabiliser la sécurité” et “restaurer la paix” dans un pays où l’appareil étatique est largement défaillant et où la violence des gangs a atteint des niveaux sans précédent ? Cette disparité budgétaire soulève de sérieuses questions sur la stratégie sous-jacente : s’agit-il d’une sous-estimation des besoins réels en matière de sécurité, ou d’une relégation implicite de la responsabilité de la stabilisation à d’autres mécanismes de financement ?

 

L’énigme du pilier humanitaire : Un vaste champ de préoccupations

Parallèlement, le Pilier 4, la Réponse humanitaire, doté de 908,2 millions USD, soit plus de 66% du budget total, attire l’attention et génère des inquiétudes. Si l’urgence humanitaire en Haïti est incontestable, avec la représentante permanente d’Haïti, Myrtha Désulme, appelant à “la solidarité et à l’action urgente”, l’ampleur de cette allocation par rapport aux autres piliers est frappante.

 

L’histoire récente de l’aide internationale à Haïti, notamment après le séisme de 2010, est malheureusement jalonnée de critiques concernant la transparence, la coordination et l’impact réel des fonds alloués. Des milliards de dollars ont afflué, souvent gérés par des organisations non gouvernementales (ONG), mais les résultats tangibles pour la population haïtienne ont souvent été jugés insuffisants, voire opaques.

 

Avec près d’un milliard de dollars dédiés à l’humanitaire dans ce nouveau plan, le risque de reproduire les erreurs passées est palpable. Un tel volume de fonds, potentiellement sous la gestion d’un large éventail d’ONG, pourrait créer un environnement propice aux frais administratifs élevés, à la duplication des efforts, et, dans le pire des scénarios, à des opportunités de corruption. La question se pose : comment assurer que ces fonds parviennent directement aux populations dans le besoin, sans être entravés par des inefficiences ou, pire encore, des détournements, alors même que le terrain est largement hors de contrôle étatique ?

 

Appel à la Transparence et à la Redevabilité

Les discussions lors de la réunion du Groupe des amis d’Haïti ont souligné l’urgence d’un soutien global, couvrant la sécurité, l’aide humanitaire et le développement. Des acteurs clés comme Carlos Ruiz Massieu du BINUH, Mara Tekach de la MMAS, Ilan Goldfajn de la BID, et des représentants de la Banque mondiale et de l’OPS étaient présents, témoignant de l’engagement international. Cependant, la conversation sur les mécanismes de contrôle et de redevabilité n’a pas été publiquement détaillée.

 

Pour éviter que ce montant colossal ne devienne “un espace de corruption” pour certains, et que le pilier sécuritaire ne soit un simple pansement symbolique, il est impératif que l’OEA et ses partenaires mettent en place des audits indépendants rigoureux, des plateformes de suivi des fonds accessibles au public, et des mécanismes de plainte robustes.

 

De plus, le renforcement des capacités des institutions haïtiennes à gérer et coordonner cette aide doit être une priorité absolue pour favoriser une véritable “appropriation nationale”, une entreprise d’autant plus difficile dans un contexte de quasi-effondrement sécuritaire.

 

Le Secrétaire général Ramdin a proposé une conférence des donateurs sous la direction de la BID, une initiative louable pour coordonner les efforts. Cependant, cette coordination devra aller au-delà de la simple répartition des fonds. Elle doit s’étendre à une supervision stricte de leur utilisation et à une réévaluation urgente des priorités budgétaires face à la crise sécuritaire.

 

Alors que la feuille de route sera prochainement présentée au Conseil permanent de l’OEA, la communauté internationale doit aussi fournir les “ressources proportionnées à l’urgence”. En plus de cela, l’OEA exigera aussi une transparence et une stratégie sécuritaire robuste mais réaliste pour garantir  cet investissement massif. Sans cette mesure, cela ne   produira pas les résultats attendus précisément  la paix, la stabilité et le progrès tant souhaités par le peuple haïtien.

 

Sans cela, le risque est grand de voir une nouvelle vague d’aide s’évaporer, laissant Haïti piégée dans un cycle d’urgences et de dépendance, sans jamais résoudre la racine de ses problèmes : l’insécurité chronique.

 

DSB/Monopole

 

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