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Haïti-Crise humanitaire : Le discours doublement articulé de Marco Rubio au Sénat américain

Crédit photo: Le Secrétaire d'Etat américain Marco Rubio devant le Sénat américain

Haïti-Crise humanitaire : Le discours doublement articulé de Marco Rubio au Sénat américain

Crédit photo: Le Secrétaire d'Etat américain Marco Rubio devant le Sénat américain

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Alors que la crise humanitaire en Haïti s’aggrave, marquée par la violence des gangs et une famine rampante, les déclarations récentes du Secrétaire d’État Marco Rubio devant le Congrès américain ont mis en lumière une approche politique complexe, voire contradictoire, concernant les sanctions et l’intervention internationale.

 

Tandis que l’administration Trump a désigné les gangs haïtiens comme des organisations terroristes, menaçant de sanctions quiconque leur apporte un “soutien matériel”, Rubio a clairement indiqué que les groupes humanitaires contraints de payer des “péages” aux gangs ne seraient pas pénalisés. Cette position, bien qu’elle vise à faciliter l’aide, soulève des questions sur la cohérence de la politique américaine.

 

L’administration Trump, qui a précédé l’administration Biden, a qualifié les principaux gangs haïtiens de “terroristes étrangers et mondiaux”. Cette désignation a créé une onde de choc en Haïti, où le passage par les zones contrôlées par les gangs est souvent inévitable. Ces groupes armés contrôlent désormais jusqu’à 90% de la métropole de Port-au-Prince, ainsi que des portions significatives de la région de l’Artibonite et du Plateau central. L’avertissement initial laissait craindre que tout versement, même contraint, aux gangs pourrait entraîner des poursuites pénales.

C’est dans ce contexte que Marco Rubio est intervenu mercredi dernier devant la commission des affaires étrangères de la Chambre. Interrogé par la représentante de la Floride du Sud, Sheila Cherfilus-McCormick, sur le sort des organisations humanitaires, Rubio a été catégorique : “Nous sommes préoccupés par le fait que les groupes humanitaires, afin de distribuer l’aide humanitaire, sont souvent accusés, faute d’un meilleur terme, de ‘péages’. Vous devez payer l’argent pour les laisser partir,” a-t-il déclaré.

 

“Est-ce que cela les soumettra à des sanctions parce qu’ils ont payé quelqu’un pour les laisser passer ? Ce n’est pas l’intention de ces sanctions et nous n’avons pas l’intention de les punir.”

 

Cette distinction, qui exempte les organisations humanitaires des conséquences de la “fourniture de soutien matériel”, met en évidence un double discours : d’un côté, une ligne dure contre les gangs et leurs facilitateurs, de l’autre, une tolérance pragmatique face à la réalité du terrain. Si cette position est comprise comme une nécessité pour assurer la distribution de l’aide vitale à une population haïtienne en détresse, elle soulève néanmoins la question de l’efficacité à long terme de sanctions qui ne peuvent être appliquées uniformément.

 

Au-delà des sanctions, Rubio a également exprimé un pessimisme marqué concernant la mission de soutien à la sécurité multinationale dirigée par le Kenya, qui compte un millier de membres du personnel. Le sénateur a souligné les lacunes de cette force, déclarant que les membres des gangs “doivent être éliminés, mis en prison… vous devez vous en débarrasser. Tant qu’ils sont là, vous ne serez pas en mesure d’avoir la stabilité dans le pays.”

 

Il a pointé du doigt un “manque de poigne”, une absence d’autorité légale suffisante et un équipement inadéquat comme des facteurs limitant la capacité de la force kényane à affronter efficacement les gangs.

 

Il a réaffirmé que la mission actuelle ne suffira pas à résoudre le problème. Il a même suggéré que l’Organisation des États Américains (OEA) devrait prendre les rênes des opérations, plaidant pour une “solution régionale”.

 

Cette proposition de transférer le leadership à l’OEA soulève de nombreuses questions : la charte de l’organisation permettrait-elle une telle implication ? Les pays membres seraient-ils disposés à déployer des forces et, surtout, qui financerait un tel effort ? L’administration Trump a clairement indiqué qu’elle ne pouvait pas continuer à supporter la part du lion des coûts à moins bien sûr que ça rapporte.

 

Alors que les rapports de violences sexuelles contre les enfants augmentent de façon spectaculaire et que les compagnies pétrolières menacent un effondrement économique en raison des frais d’extorsion exorbitants, l’incapacité à financer pleinement la demande d’aide humanitaire de l’ONU, seulement 40 millions environ des fonds levés sur un total de 674 millions de dollars et le constat d’échec apparent de la mission kényane, tel que le dépeint Rubio, dépeignent une situation humanitaire et sécuritaire désespérée.

 

La politique américaine, avec ses nuances et ses contraintes, semble naviguer à vue face à un défi sans précédent : un pays pris en otage par une “coalition d’entreprises criminelles” pour lesquelles, selon Rubio, “aucun de nos mécanismes internationaux existants n’a été conçu”.

 

Les déclarations de Marco Rubio mettent en lumière la complexité et les contradictions de la politique américaine face à la crise haïtienne. Entre la nécessité d’assouplir les sanctions pour permettre l’aide humanitaire et le constat d’échec de la mission kényane, un double discours se dessine, révélant l’absence de solutions simples à une situation désespérée.

 

La suggestion d’une intervention régionale sous l’égide de l’OEA, bien que pertinente, soulève des questions de faisabilité et de financement. Alors qu’Haïti s’enfonce dans le chaos, les défis humanitaires et sécuritaires exigent une approche plus cohérente et des mécanismes internationaux adaptés à la réalité d’un pays pris en otage par des “entreprises criminelles”, pour lesquelles les solutions existantes semblent insuffisantes.

 

Dwetsoubouch/Monopole

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