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La PNH a 30 ans : Un chemin semé d’embûches, entre espoirs et désillusions

Crédit photo: Des Policiers en parade lors d'une cérémonie de graduation à l'Académie de Police en Haïti

La PNH a 30 ans : Un chemin semé d’embûches, entre espoirs et désillusions

Crédit photo: Des Policiers en parade lors d'une cérémonie de graduation à l'Académie de Police en Haïti

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Le 12 juin 2025 marque les trente ans de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Trente années, c’est un cap important pour cette institution essentielle à la stabilité du pays. Loin des débuts hésitants où tout était pardonné en raison de son inexpérience, la PNH a traversé des épreuves, des crises, et a vu défiler une succession de directeurs généraux, chacun marquant, à sa manière, l’histoire de ce corps si crucial.

 

Les premières années de la PNH ont été marquées par une valse des directeurs. Adrien Rameau, issu de la société civile, a été le premier à la barre, mais son mandat fut bref. Il a été suivi par Fourel Célestin, un proche d’Aristide, médecin de formation, dont la nomination dénotait la singularité des choix de l’époque. Puis vint Pierre Denizé, dont la qualification connue était un centre de désintoxication, avant que Jean Nesly Lucien, ancien responsable de la sécurité présidentielle, ne prenne les rênes.

 

La période qui suivit fut tout aussi instable, avec les passages de Jean Robert Faveur, limogé, et de Jean Claude Jean Baptiste, un personnage obscur dont la désignation pour gérer la crise des assaillants contre Aristide reste énigmatique. L’arrivée de Jocelyne Pierre, la seule femme à avoir dirigé la PNH, fut un événement marquant, mais son mandat fut d’une extrême brièveté.

 

C’est ensuite Léon Charles qui prit la direction, instigateur de la politique de “zéro tolérance” envers les “rat pa kaka”, un groupe mixte de militants lavalas et de bandits de quartier. Après lui, Mario Andresol dans ses habits justaucorps a hérité d’une police en proie à une crise hiérarchique sans précédent, mais son mandat, sous la politique de non-ingérence de René Préval, fut relativement long.

 

La succession d’Andresol par Godson Aurélus drapé dans ses accoutrements roses fut perçue comme un échec, sa gestion étant jugée d’inefficace et de laxisme. Michael Gédéon, son remplaçant, a affiché une attitude plus indépendante, n’hésitant pas à faire des déclarations fracassantes sur des personnalités politiques à son départ. Normil Rameau, ancien directeur de la police judiciaire, a ensuite pris la relève, son “incoloration” politique, comme il fut dit, lui ayant valu bien des tourments.

 

Le besoin de puiser dans les anciens directeurs s’est fait sentir avec le retour de Léon Charles, sous l’administration de qui le Président Jovenel Moïse fut assassiné. Frantz Elbe, un ancien policier, lui a succédé, avant que le ballet des retours ne se poursuive avec un nouveau mandat pour Normil Rameau, actuellement plongé dans un conflit persistant entre la primature et une frange du CPT.

 

Les défis persistants et les lueurs d’espoir

Depuis trente ans, la Police Nationale d’Haïti (PNH) traverse une crise profonde, marquée par des ingérences politiques récurrentes et des dysfonctionnements internes qui ont miné sa crédibilité. Placée sous l’autorité de l’exécutif, cette institution a trop souvent servi des intérêts partisans plutôt que ceux de la population, pourtant livrée à une insécurité grandissante. Malgré la formation de 34 promotions d’agents, la PNH peine à répondre contre la violence. Pire, certains de ses membres, au lieu de protéger les citoyens, se sont compromis dans des affaires de corruption, de trafic de drogues, voire de collaboration avec les gangs armés.

 

Face à cette situation, observateurs et organisations de défense des droits humains réclament un vetting rigoureux au sein de la PNH. L’objectif ? Épurer les rangs des éléments corrompus, identifier les complices du crime organisé et restaurer une culture du service public. Car chaque policier impliqué dans des activités illicites sape davantage la confiance déjà fragile des Haïtiens envers leur police.

 

Une réforme technique et stratégique

Les citoyens attendent aussi une modernisation des méthodes policières. L’efficacité des opérations ne doit plus se mesurer au nombre de coups de feu tirés, mais à la qualité du renseignement et à la précision des interventions. L’échec cuisant du 12 mars 2021 à Village de Dieu, où les forces de l’ordre ont été prises au dépourvu faute d’informations fiables, illustre les lacunes criantes en matière de collecte et d’analyse de données.

 

Par ailleurs, il est essentiel de mieux protéger les policiers, nombreux à avoir payé de leur vie leur engagement. La nation se doit de leur rendre hommage, tout en exigeant une institution plus professionnelle, stratégique et pragmatique.

 

La PNH ne pourra regagner la confiance des Haïtiens que par une épuration sans concession des éléments corrompus, un renforcement des services de renseignement, avec une gestion rigoureuse des fonds alloués, des opérations ciblées, privilégiant l’intelligence sur la force brute et une meilleure protection et formation des agents, pour en faire de véritables garants de l’ordre public.

 

La refondation de la PNH n’est pas une option, mais une urgence nationale. Sans une police intègre et compétente, aucune stratégie de sécurité ne pourra endiguer le chaos qui ronge Haïti.

 

Cependant, au milieu de ce tableau complexe, des lueurs d’espoir apparaissent. Les quelques maigres victoires de la police sur certains points de la capitale, bien que modestes, sont perçues comme un signe encourageant. Elles suggèrent que le vœu pieux d’une PNH victorieuse sur les forces terroristes pourrait commencer à se concrétiser.

Un anniversaire teinté de détermination

Monopole souhaite un joyeux anniversaire à la Police Nationale d’Haïti pour ses trente années d’existence. Il est à espérer que les récentes attaques et opérations de la PNH, notamment celles menées à Pernier, ne soient pas de simples démonstrations pour l’occasion de la fête à l’académie, mais le signe d’une détermination durable.

 

Bonne fête PNH, et bonne fête aux policiers qui, chaque jour, exposent leurs vies pour l’avènement d’une nouvelle Haïti.

 

DSB/Monopole

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